Refus de soins discriminatoires

Depuis le décret n° 2020-2015 du 2 octobre 2020, toute personne qui s’estime victime d’un refus de soins discriminatoire, ou toute association ayant une activité dans le domaine de la santé et de la prise en charge des malades, peut déclencher une procédure.

Il n’y a pas de délai de prescription des faits reprochés.

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Que faut-il entendre par « refus de soins discriminatoire » ?

Toute pratique qui tend à empêcher ou à dissuader une personne d’accéder aux soins ou à des mesures de prévention, quels que soient les procédés mis en œuvre.

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Que disent les textes ?

L’article R.4127-47 du Code de la Santé Publique stipule :

« Quelles que soient les circonstances, la continuité des soins aux malades doit être assurée.

Hors le cas d’urgence et celui où il manquerait à ses devoirs d’humanité, un médecin a le droit de refuser ses soins pour des raisons professionnelles ou personnelles.

S’il se dégage de sa mission, il doit alors en avertir le patient et transmettre au médecin désigné par celui-ci les informations utiles à la poursuite des soins. »

L’article R.4127-7 du Code de la Santé Publique stipule :

« Le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard.

Il doit leur apporter son concours en toute circonstance.

Il ne doit jamais se départir d’une attitude correcte et attentive envers la personne examinée.»

L’article L.1110-3 du Code de la Santé Publique stipule :

« Aucune personne ne peut faire l’objet de discrimination dans l’accès à la prévention et aux soins. »

L’article 225-1 du Code Pénal stipule :

« Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes physiques sur le fondement de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur, de leur patronyme, de leur lieu de résidence, de leur état de santé, de leur perte d’autonomie, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leur mœurs, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre, de leur âge, de leur opinion politique, de leurs activités syndicales, de leur capacité à s’exprimer dans une langue autre que le français, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou religion déterminée. »

L’article 225-1-1 du Code Pénal stipule :

« Constitue une discrimination toute distinction opérée entre les personnes parce qu’elles ont subi ou refusé de subir des faits de harcèlement sexuel… ».

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En pratique :

Si des situations particulières permettent à un médecin de refuser ses soins, ce refus ne peut en aucun cas être fondé sur un motif discriminatoire.

Les raisons professionnelles ou personnelles de la rupture du « contrat de soins » sont diverses et non exhaustives :

  • Surcharge de travail du praticien ne lui permettant pas de garantir une prise en charge de qualité (pour les nouveaux patients) ;
  • Orientation particulière de l’exercice ;
  • Rupture de confiance entre le médecin et son patient ;
  • Problème d’insécurité ou comportement inapproprié du patient etc…

Lorsque le médecin estime devoir rompre le contrat « patient – médecin » il n’est en aucun cas dans l’obligation de se justifier ni de fournir au patient les raisons de sa rupture, car celles-ci lui sont personnelles et peuvent relever d’une clause de conscience.

A contrario un refus de soins discriminatoire est un refus qui se base sur une des situations précitées à l’article 225-1 du Code Pénal. Un professionnel de santé ne peut donc refuser de soigner une personne en raison des motifs suivants :

  • Origine du patient,
  • Son sexe,
  • Sa situation de famille,
  • Sa grossesse,
  • Son apparence physique,
  • Sa particulière vulnérabilité résultant de leur situation économique, apparente ou connue de son auteur,
  • Son patronyme,
  • Son lieu de résidence,
  • Son état de santé,
  • Sa perte d’autonomie,
  • Son handicap,
  • Ses caractéristiques génétiques,
  • Ses mœurs,
  • Son orientation sexuelle,
  • Son identité de genre,
  • Son âge,
  • Son opinion politique,
  • Ses activités syndicales,
  • Ses capacités à s’exprimer dans une langue autre que le français,
  • Son appartenance ou non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou religion déterminée.

Je vous rappelle également que vous ne pouvez refuser de soigner une personne au seul motif qu’elle est bénéficiaire de la complémentaire santé solidaire (anciennement CMU et ACS) ou de l’Aide médicale.

Attention : le fait de fixer un rendez-vous à une date qui n’est pas justifiée par des contraintes professionnelles, ou la pratique d’un dépassement d’honoraire lorsqu’elle est interdite, sont également considérés comme des refus de soins discriminatoires.

LE REFUS DE SOINS PAR LE PRATICIEN

Bien entendu si vous estimez - pour des raisons légitimes - devoir mettre fin au contrat de soins avec un patient en application de l’article R. 4127-47 du Code de la Santé Publique vous devez :

  •  Informer sans délai le patient (ou son représentant légal) de votre refus de soins ou de votre impossibilité de le prendre en charge.
    • Le mode d’information de ce refus de soins n’a pas été formalisé par le législateur.
    • Vous devez donc informer le patient de votre décision soit au cours d’une consultation, soit par lettre recommandée et lettre simple.
  • Afin d’assurer la « continuité des soins » vous devez transmettre son dossier médical au praticien de son choix ou le remettre directement au patient en gardant bien entendu une copie de ce dossier (en cas de plainte ultérieure pour assurer votre défense).
    • Je vous précise à ce sujet que les notes personnelles du médecin ne font pas partie du dossier médical (article R. 4127-45 du Code de la Santé Publique).
    • Seuls les éléments dits objectifs du dossier sont communicables en application de l’article L.1111-7 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 qui prévoit : “toute personne a accès à l’ensemble des informations concernant sa santé détenues par des professionnels et établissements de santé, qui sont formalisées et ont contribué à l’élaboration et au suivi du diagnostic et du traitement ou d’une action de prévention, ou ont fait l’objet d’échanges écrits entre professionnels de santé, notamment des résultats d’examen, comptes rendus de consultation, d’intervention, d’exploration ou d’hospitalisation, des protocoles et prescriptions thérapeutiques mis en œuvre, feuilles de surveillance, correspondances entre professionnels de santé, à l’exception d’informations mentionnant qu’elles ont été recueillies auprès de tiers n’intervenant pas dans la prise en charge thérapeutique ou concernant un tel tiers.  Elle peut accéder à ces informations directement ou par l’intermédiaire d’un médecin qu’elle désigne et en obtenir communication...”

Important : Le législateur n’a pas confié au médecin la tâche de trouver un autre médecin traitant pour le patient.

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Il ne faut cependant pas oublier que l’article R. 4127-47 stipule également que le médecin a le droit de refuser ses soins hors le cas « où il manquerait à ses devoirs d’humanité ». Cette notion est certes subjective, néanmoins, compte-tenu de la situation actuelle (pandémie COVID-19) et les problèmes de démographie médicale, les patients ont de plus en plus de mal à désigner un nouveau médecin traitant car de très nombreux cabinets médicaux ne sont plus en mesure d’accepter des nouveaux patients.

De ce fait, refuser de continuer à prendre en charge une personne revient parfois à la laisser sans médecin traitant. Le Médiateur de la CPAM, dont c’est une des fonctions, nous a signalé qu’il n’était plus en mesure de trouver un médecin traitant pour chaque patient qui lui en faisait la demande.

En conséquence je ne peux que vous recommander de n’utiliser votre droit de ne plus être le médecin traitant d’un patient qu’avec la plus grande circonspection et en gardant toujours à l’esprit notre mission.